Les 5 risques juridiques de Midjourney que chaque créateur doit connaître

11/19/20256 min read

person holding silver fork on white paper
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La magie de l'IA et ses secrets juridiques

En quelques secondes, un simple texte se transforme en une œuvre visuelle spectaculaire. C'est la promesse de Midjourney, une technologie qui séduit des millions de créateurs par sa puissance et son apparente simplicité. Mais derrière cette magie créative se cache une architecture juridique complexe, souvent méconnue. En Europe, l'utilisation de ces images pour des projets professionnels ou publics soulève des questions cruciales de propriété, de gestion des données personnelles et de responsabilité.

Plongez avec nous dans les conditions d'utilisation et la loi pour découvrir les réalités juridiques que tout utilisateur se doit de maîtriser.

1. Vous Pensez "Posséder" Vos Images ? La Réalité est Plus Complexe

Les conditions de service (ToS) de Midjourney sont formelles : l'utilisateur « possède » les images (Assets) qu'il crée. Cette promesse est cependant conditionnée : pour les entreprises générant plus d'un million de dollars de revenus annuels, cette propriété n'est acquise que via un abonnement payant de type « Pro » ou « Mega ». Un détail crucial est que cette propriété persiste même si vous décidez par la suite de rétrograder ou d'annuler votre abonnement.

Mais la véritable subtilité se situe au niveau du droit européen et français. Pour être protégée par le droit d'auteur, une œuvre doit être « originale », c'est-à-dire porter « l'empreinte de la personnalité de son auteur ». Or, la loi stipule que cet auteur doit être une personne physique. Cette « empreinte » se démontre par des « choix libres et créatifs » — comme le cadrage et l'éclairage en photographie. Un tribunal pourrait décider qu'un simple prompt textuel n'implique pas un choix créatif suffisant pour atteindre ce seuil. Une première décision de justice en Europe, rendue par un tribunal de Prague, a d'ailleurs jugé qu'une image générée par IA n'était pas une œuvre de l'esprit et ne pouvait bénéficier d'une telle protection. Il est à noter que si le tribunal s'est prononcé sur le principe du droit d'auteur, il a également rejeté la demande du plaignant au motif qu'il ne pouvait pas prouver sa contribution créative, renforçant l'importance pour les créateurs de documenter leur processus.

« Pour qu’une création générée par l’IA soit protégeable en tant qu’œuvre de l’esprit en droit d’auteur français [...] elle doit être matérialisée par une forme et être considérée comme originale. » — Maître Étienne Nicolet

En clair, la « propriété » offerte par Midjourney est un droit contractuel qui vous lie à la plateforme. Elle ne vous garantit probablement aucune protection légale si un tiers décide de copier et d'utiliser vos créations.

2. Vous offrez à Midjourney un droit perpétuel et irrévocable sur vos créations

C'est l'un des points les plus surprenants et les plus engageants des conditions d'utilisation. En utilisant Midjourney, vous accordez à l'entreprise une licence d'exploitation sur absolument tout ce que vous soumettez (les prompts ou Inputs) et tout ce que vous générez (les images ou Assets).

Les caractéristiques de cette licence sont particulièrement étendues. Elle est :

  • Perpétuelle

  • Mondiale

  • Non-exclusive

  • Sous-licenciable

  • Sans frais

  • Irrévocable

Le point le plus critique est que cette licence survit même si vous supprimez votre compte ou résiliez votre abonnement. Concrètement, cela signifie que Midjourney peut continuer à utiliser, reproduire, modifier, distribuer et même créer des œuvres dérivées à partir de vos images et de vos prompts indéfiniment, sans que vous puissiez vous y opposer ou réclamer une compensation.

3. Vos prompts sont des données personnelles

Un fait souvent ignoré est que les prompts que vous saisissez — qu'il s'agisse de textes ou d'images que vous téléchargez — sont considérés comme des données personnelles. La politique de confidentialité de Midjourney est explicite sur ce point : ces informations sont collectées au même titre que votre nom d'utilisateur ou votre adresse IP.

Pour les utilisateurs situés dans l'Union Européenne, ce traitement de données est encadré par le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Or, Midjourney précise que toutes ces données, y compris vos prompts, sont transférées et stockées sur des serveurs situés aux États-Unis, un pays où les lois sur la protection de la vie privée diffèrent de celles en vigueur en Europe.

Cela crée une zone grise juridique. Alors que vos données personnelles (le prompt) peuvent être supprimées de votre compte sur demande en vertu du RGPD, la licence de droit d'auteur irrévocable que vous avez accordée sur ce prompt et son résultat survit, comme le stipulent les Conditions de Service. On ne sait pas comment un tribunal européen résoudrait ce conflit direct entre les droits à la protection des données et les droits de propriété intellectuelle contractuels.

4. Midjourney est poursuivi en justice, mais vous pourriez être le responsable final

Midjourney fait l'objet de plusieurs actions en justice de grande envergure, notamment de la part de géants comme Disney et NBCUniversal. Ces derniers accusent la plateforme d'avoir entraîné son intelligence artificielle sur des millions d'images protégées par le droit d'auteur, sans aucune autorisation ni compensation.

« Le piratage est le piratage, et le fait qu'une image ou une vidéo contrefaite soit réalisée à l'aide de l'IA ou d'une autre technologie ne la rend pas moins contrefaite. » — Disney et NBCUniversal, dans leur plainte contre Midjourney

Bien que ces poursuites visent la plateforme, les conditions de service de Midjourney reportent une part significative de la responsabilité sur l'utilisateur. Il y est stipulé que vous êtes responsable du contenu que vous générez et que vous devez vous assurer qu'il ne viole pas les droits de propriété intellectuelle d'un tiers.

Prenons un exemple concret : si vous utilisez un prompt pour générer une image de Mickey Mouse et que vous l'utilisez à des fins commerciales, vous pourriez être directement poursuivi pour contrefaçon. Cela crée un paradoxe saisissant : alors que la loi ne vous accorde peut-être pas la pleine « propriété » de vos créations au titre du droit d'auteur, les conditions de service garantissent que vous « possédez » pleinement la responsabilité juridique de toute violation qu'elles contiennent.

5. L'étiquette "Généré par IA" n'est pas toujours obligatoire

Contrairement à une idée reçue, le futur AI Act européen n'imposera pas une obligation générale d'étiqueter chaque image comme « générée par IA ». Cependant, cette mention deviendra une obligation légale stricte pour l'utilisateur dans deux cas de figure bien précis, afin de lutter contre la désinformation.

L'étiquetage sera obligatoire pour :

  1. Les deepfakes : Tout contenu généré qui imite de manière réaliste des personnes, des lieux ou des événements réels, et qui est susceptible de tromper le public sur son authenticité.

  2. Les textes d'intérêt public : Les textes produits par une IA qui visent à informer le public sur des sujets importants devront être identifiés comme tels, à moins qu'ils n'aient fait l'objet d'un contrôle éditorial humain suffisant.

Même lorsque la loi ne l'exige pas, la transparence reste la meilleure approche. L'ajout d'une mention claire est une bonne pratique pour éviter toute accusation de pratique commerciale trompeuse et pour maintenir la confiance de votre audience.

Créer en Conscience à l'Ère de l'IA

Midjourney est un outil révolutionnaire, mais son utilisation commerciale ou publique en Europe expose les créateurs à une série de tensions juridiques. La plateforme vous positionne comme « propriétaire » d'œuvres que vous ne pourrez peut-être pas défendre légalement (Risque 1), tout en vous liant à une licence irrévocable qui vous prive de contrôle (Risque 2). Elle traite vos prompts créatifs comme des données personnelles à envoyer outre-Atlantique (Risque 3), et bien qu'elle soit elle-même poursuivie pour ses données d'entraînement, elle vous transfère contractuellement la responsabilité finale de toute contrefaçon (Risque 4). La prudence et la conscience de ces enjeux ne sont pas des freins à la créativité, mais les fondations d'une innovation durable et responsable.

À l'avenir, comment trouverons-nous le juste équilibre entre l'extraordinaire potentiel créatif de l'IA et la juste protection des droits des créateurs humains ?